Les trottinettes électriques sont-elles de droite ?
Costume impeccable, mocassins aux pieds, écharpe négligemment enroulée autour du cou, kit main libre Bluetooth nichée au creu de l'oreille, cheveux gominés : l'homo trotinettus est un homme assuré, fier de lui et confiant dans l'avenir. On caricature à peine.
Inexistantes il y a à peine trois ans, les trottinettes en accès-libre ont envahi les trottoirs des métropoles du monde entier en quelques mois seulement à partir de 2018. Un déploiement massif soupçonné d'être un moyen de forcer la main des autorités publiques avec leur système de free floating, sans station d'attache ni bornes d'arrêt. De fait, présentes partout, à chaque coin de rue, juste là sous nos yeux, déverrouillables en un clic avec son smartphone, elles donnent un sentiment de facilité d'accès un peu trompeur. Le déblocage ne s'effectuera qu'après s'être inscrit sur l'appli et avoir partagé ses coordonnées bancaires. Comptez 1€ pour débloquer la trottinette et de 15 à 20 cts / min. Difficile d'y voir une alternative aux transports en commun, accessibles à tous : la trottinette en accès libre est clairement un moyen de transport destiné à ceux qui vont bien (porte-feuillement parlant).
Dans une étude parue en juin 2019, le bureau d'études et de recherches 6T confirme ce constat. Bien qu'étant uniquement focalisée sur les utilisateurs parisiens, l'enquête nous donne un premier aperçu de la sociologie des utilisateurs de trottinettes en libre-service : 53 % des utilisateurs sont des cadres et des professions intellectuelles supérieures. A noter également, une surreprésentation des étudiants : 30% (représentant 13% de la population parisienne). Les ouvriers, quant à eux, ne représentent que 2 % des utilisateurs...
Nous savons donc deux choses : les trottinettes se multiplient comme des petits pains, et conquièrent sauvagement le territoire urbain. Elles grignotent les parts de marché des autres mobilités, un morceau de trottoir après l'autre, écrasant tous ceux qui se trouvent sur son passage. Nous ne sommes pas dupes : sous leurs allures de jouet inoffensif et un peu bêta, elles sont bien sûr l'outil machiavélique du grand capital ! Et d'un capital sauvage et fainéant ! Celui qui, plutôt que de vaincre les kilomètres à la sueur de son front et à la robustesse de ses mollets, préfère balancer nonchalamment la jambe. Son but ultime ? Faire la peau des transports en commun. Car qu'y a-t-il dans "commun" ? Communisme, bien sûr ! La démonstration est sans appel.
Quoi ? Cet article est un pamphlet de cycliste de la vieille école, frustré et fatigué de se faire dépasser dans les côtes par des trottinettistes endimanchés ? Vous voyez le mal partout.