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Comment 2020 a fait exploser notre rapport au temps

"Jour sans fin", "Monde en pause", depuis presqu’un an, les confinements, reconfinements, périodes de télétravail imposées et autres couvre-feux ont altéré notre perception du temps. On tente de remettre les pendules à l’heure.

Avouons-le. A l'annonce du premier confinement, on n'était pas mécontent à l'idée de rester bosser chez nous. On avait la chance de faire ce boulot qu'on croyait si essentiel et qui s'est révélé tout à fait optionnel. On se réjouissait même à l'idée de rattraper nos séries, d'apprendre à jouer de la guitare ou de se mettre à l'aquarelle. C'était il y a un an -ou un siècle- on ne sait plus trop. Aujourd'hui, on paierait pour se faire un afterwork avec nos collègues relous...


"Au départ, c'était l'euphorie. Beaucoup se disaient qu'ils allaient enfin "avoir du temps". Cette sensation a complètement disparu au profit d'un sentiment étrange : on n'a moins de temps tout en ayant l'impression de stagner", constate Souad Djelassi, professeur de sciences de gestion et marketing à l'université de Lille, co-autrice d'un article paru en juillet 2020 intitulé "Comment le confinement bouleverse-t-il notre rapport au temps ?".

Encore dans la nasse, on commence tout juste à prendre du recul sur ce qui nous arrive depuis mars 2020. Une étude parue dans le journal PLOS One au mois de juillet 2020 en dresse un constat sans appel : 80 % des personnes interrogées ressentaient une distorsion dans leur rapport au temps. "La surcharge digitale n'arrange rien. Ceux qui sont en télétravail ont transformé leur domicile en lieu de travail, ça donne l'impression que le temps ne s'arrête jamais", précise Nawel Ayadi, maître-assistante à l'université de Tunis et co-autrice de l'article paru dans The Conversation.

Réaménager plutôt que subir son temps

La période est tellement inédite que l'on a même du mal à la nommer. "Aucune période passée ne se rapproche de ce que l'on vit depuis un an, ce qui renforce un peu plus l'anxiété générale : nous sommes sans repères connus", décrypte Pascal Chabot, philosophe qui a beaucoup travaillé sur le burn-out et qui vient de sortir un essai intitulé Avoir le temps. Essai de chronosophie. "Pour une humanité habituée à l'urgence, où le désir était loi, la période nous oblige à la patience et à la sobriété. Ce virus de rien du tout est devenu le maître du temps", ajoute-t-il.


D'autant que malgré l'apparition d'un vaccin, les incertitudes demeurent. Comment se projeter quand les mesures sanitaires varient chaque semaine ? "On peut le faire sur du moyen-terme. L'été devrait nous offrir un peu de répit. En attendant, il faut repenser nos rythmes de vie", répond le philosophe. "Créez des lignes de démarcations nettes entre boulot et perso. Et surtout déplacez-vous, même sur des courtes distances, allez prendre l'air ! Notre perception du temps est liée à notre perception de l'espace. Varier d'espace nous permet de changer notre perception du temps", abonde Nawel Ayadi.
L'avenir est incertain ? Profitons-en pour mettre en œuvre ce mantra tant ressassé et si peu appliqué : profiter de l'instant présent ! De toute façon, on n'a pas le choix les amis.