La mode s’est-elle (vraiment) mise au bodypositivisme ?
Nous sommes en 2019. Sur la page d'accueil d'un grand site de prêt-à-porter, la mannequin Jill Kortleve s'expose. Carré wavy impeccable, tailleur faussement sage, elle affiche une moue aguicheuse. Une campagne publicitaire qui aurait pu passer inaperçue, si la modèle ne s'était pas fendue d'un post Instagram très décrié. Sur son compte, elle remercie la marque espagnole « d'avoir fait [d'elle le] premier mannequin ronde sur [leur] site ». Un commentaire qui a du mal à passer.
« Un mannequin rond »
— Caroline De Haas (@carolinedehaas) August 26, 2019
La dame fait du 40/42.
« Rond »
Sérieusement, c’est quoi votre drogue les gars ? 🤪 pic.twitter.com/aMI1q3MeNT
Pour comprendre les raisons de cette levée de bouclier, il faut revenir en arrière.
Au milieu des années 90, outre-Atlantique, un mouvement encourage les femmes à se détacher des idéaux inatteignables et à s'accepter telles qu'elles sont. Le bodypositivisme est né. Mais ce n'est qu'en 2017, en pleine ère post #MeToo qu'il devient viral en France. Accolés au #bodypositivisme, des clichés de femmes montrent fièrement leur corps dans tout ce qu'il est : imparfait. Un ras-le-bol virtuel contre le fameux triptyque : minceur, blancheur, jeunesse dont s'empare bien vite le monde de la mode.
Tous les goûts sont dans la mode ?
Retour en 2021, les mannequins « plus size » (ndlr : au-dessus de la taille 40) se font une (petite) place auprès des marques. Fleurant bon le coup marketing, les enseignes mettent en scène une ou deux modèles dites « rondes » pour surfer sur le fameux bodypositivisme. Souvent digitales, ces campagnes affichent des top modèles qui, à l'instar d'une Ashley Graham, affichent maximum une taille 46, et surtout un corps ferme aux courbes vertigineuses très loin de correspondre à la réalité de ses comparses.
Si une plus grande pluralité corporelle a désormais droit de cité (vergetures, non-épilés, plus de cinquante ans...), il n'en demeure pas moins qu'il reste toujours une minorité sous-représentée au milieu des corps standardisés. Et quid des hommes pour l'instant exclus de ce mouvement ?
Alors bien sûr, il faut se réjouir que la mode s'ouvre à d'autres tailles, mais qu'en est-il dans les rayons des magasins ? Certaines marques ont pris le parti de créer une ligne dédiée aux « grandes tailles », d'autres d'étendre leur gamme du 32 au... 44. Une avancée certes, mais très timorée, surtout lorsqu'on sait que la femme française fait en moyenne une taille 40/42, selon la Fédération française du prêt-à-porter féminin.