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Lionel Franc : le plongeur de l'extrême

Recordman du plongeon de haut vol avec un saut de 36 mètres, Lionel Franc règne en maître sur cette discipline classée dans la catégorie des sports extrêmes. Loin de se reposer sur ses lauriers, il entend améliorer cette performance en continuant à s’entraîner durement dans les calanques de Cassis, son terrain de jeu favori. Rencontre avec un homme qui a fait de la hauteur sa meilleure alliée.

Comment vous est venue l’envie de plonger de si haut ?

Ça a commencé pendant l’enfance. Comme tous les gamins qui habitent au bord de l’eau, j’allais sauter depuis les rochers. Déjà à l’époque, j’étais un des seuls à y aller tête la première. Mais ça n’est qu’à l’aube de mes 38 ans que c’est devenu sérieux. Un ami m’a proposé de plonger plus régulièrement, même au cœur de l’hiver. Il a réussi à me motiver alors que je n’étais pas hyper chaud. Pendant cette période, on a beaucoup amélioré notre technique et notre style. On se filmait, on analysait nos sauts et c’est à ce moment-là que la passion est venue. C’est ce qui m’a motivé à me lever le dimanche matin, en hiver, pour aller plonger dans l’eau glaciale. Et l’année d’après, on était au top !

Quels sont les risques du plongeon de haut vol ?

Tous nos organes vitaux ne sont pas solidement fixés car, la nature étant bien faite, le corps humain a besoin de souplesse. Cette caractéristique est problématique dans le cas du plongeon de haut vol car, lors de la pénétration dans l’eau, l’effet de décélération est si violent que tous les organes sont chamboulés. Il y a donc des risques d’hémorragie interne, de poumon qui se décroche ou de lésion du cerveau. Je suis d’ailleurs suivi par un radiologue qui s’assure que mon cerveau va bien malgré les chocs qu’il subit. Et pour l’instant, il tient le coup !

Avez-vous une méthode pour limiter les risques liés au plongeon ?

J’aborde le plongeon de manière scientifique. À travers les lois de Newton, les notions de force de répulsion, de dynamique ou de vitesse du poids, je sais ce qu’il se passe entre le moment où je saute et celui où j’entre dans l’eau. Par exemple, quand je plonge de 36 mètres, je pénètre dans l’eau à 130 km/h et je pèse 1,4 tonne. Une fois dans l’eau, je passe de 130 à 0 km/h en une demi-seconde, un peu comme si je faisais un accident de bagnole sur l’autoroute. Tout cela est forcément traumatisant pour le corps, donc avoir une approche scientifique du plongeon me permet à la fois de mieux maîtriser les risques et de savoir comment atterrir pour souffrir le moins possible.

Malgré votre expérience, avez-vous encore de l’appréhension au moment de plonger ?

Oui, et heureusement ! Dans toutes les disciplines, sportives ou artistiques, notre corps est traversé par la peur. Cette peur est indispensable car elle décuple l’attention et la concentration. Il faut la laisser s’exprimer et apprendre à composer avec. Car une fois qu’elle est maîtrisée, la peur permet de plonger dans un état qui, à bien des égards, peut devenir jouissif. Mais il faut toujours gérer ses émotions pour savoir quand la peur est trop intense et qu’elle va vous faire dérailler. Quand je prépare un plongeon et que mon cœur s’emballe ou que mes jambes tremblent trop, je ne saute pas.

Avez-vous déjà fait un plongeon qui s’est mal terminé ?

Ça m’est arrivé une fois sur le tournage d’une publicité. On m’avait demandé d’être sur les lieux à 4 heures du matin et j’ai dû aider l’équipe technique à installer le matériel jusqu’au lever du jour. Résultat : quand je me suis trouvé sur le plongeoir pour sauter, j’étais claqué ! Mais j’y suis quand même allé… et j’ai raté ma figure. J’ai atterri dans l’eau à plat, je me suis brisé les côtes et je suis tombé dans le coma. Il m’a fallu dix jours de réanimation pour me remettre de cette mauvaise chute. La seule chose qui m’a permis de plonger à nouveau, c’est que j’ai bien identifié les causes de ce loupé. Je n’ai jamais reproduit l’erreur de sauter en étant épuisé.


L'année dernière, vous avez tenté de battre votre propre record du monde mais le vent s’est mêlé à la fête…

Effectivement, nous avions tout mis en place dans le port de La Ciotat pour réaliser cet exploit. J’étais déçu car il nous a fallu six mois pour obtenir les autorisations nécessaires et organiser cette manifestation. J’avais aussi intensifié mes entraînements aux cours des derniers mois et j’étais prêt pour plonger de 38 mètres. Mais c’était sans compter sur Dame Météo… À cause du vent, la plateforme installée dans le port n’était pas assez stable et ne me permettait pas d’avoir une impulsion idéale. Malgré la présence du public, je ne pouvais pas aller à l’encontre des règles de sécurité les plus élémentaires. J’ai quand même sauté de 33 mètres, ce qui reste une performance spectaculaire. Je n’ai pas battu mon record ce jour-là, mais ça n’est que partie remise !