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Joseph Kessel, l’infatigable

Journaliste, écrivain, aviateur, aventurier, résistant, Joseph Kessel a fait de sa vie une succession d’expériences, de rencontres et de rendez-vous avec l’Histoire. Il le dira lui-même : “ma vie a plus de valeur que mon œuvre”. Né en 1898 en Argentine, issu d’une famille juive russe ayant fui les pogroms du Tsar, élevé en France, son destin de voyageur infatigable semblait écrit. Guidé par une curiosité inépuisable, sans cesse en quête d’aventures avec la volonté, toujours, de tester ses limites, “Jef” comme le surnommaient ses amis, visitera tous les recoins du globe, partout où l’Histoire s’écrivit tout au long de ce XXe siècle si riche en calamités.

Niveau débutant : reporter de l’extrême

Engagé volontaire pendant la Première Guerre Mondiale, il pilote les premiers avions bringuebalants de 1917. Après l’Armistice, il se porte volontaire, direction front Russe. Il traverse alors l’Amérique en train, avant de rejoindre la Sibérie. Il passe des mois à boire de la vodka dans le chaos que constitue Vladivostock en 1919, puis rentre en France. A 20 ans, il a fait son premier tour du monde.
Son premier reportage ? Le défilé de la victoire du maréchal Pétain sur les Champs-Élysées. 27 ans plus tard, il couvrira son procès pour “haute trahison”.
Au fil des ans, “Jef” se rend en Irlande pour couvrir le conflit sanglant qui oppose les Irlandais et les Anglais, en Allemagne pour documenter la montée du parti nazi ou au Yémen, où des hommes sont vendus dans des marchés à ciel ouverts comme au XVIIe siècle. A l’approche de la 2nde Guerre Mondiale, il couvre la débâcle, l’évacuation miraculeuse de Dunkerque puis la Libération et l’avancée des troupes alliées jusqu’en Allemagne. Après-guerre, il est envoyé à Nuremberg suivre le procès des dirigeants nazis, puis en Israël pour couvrir celui d’Adolf Eichmann.


Niveau intermédiaire : écrivain à succès

De ses reportages, il ne tarde pas à tirer des romans. Les êtres exceptionnels rencontrés deviennent des personnages fictifs qui nourrissent ses aventures littéraires. A 22 ans, son premier roman, L'Équipage, tiré de son expérience dans l’aviation, devient aussitôt un best-seller. C’est le début d’une carrière littéraire triomphale qui durera pour ainsi dire toute sa vie. Durant les années folles, il devient une véritable vedette au milieu de Colette, Jean Cocteau ou André Malraux. Les succès s’enchaînent : La Rose de Java, Fortune Carrée, La Passante du Sans-Souci, etc. Écrivain-voyageur, Kessel ? Pas seulement. A sa sortie, Belle de Jour, son roman sur une femme mariée à la recherche du plaisir charnel dans la prostitution choque la France puritaine. Son voyage au Kenya dans les années 50 lui inspire un livre qui fera de lui une vedette mondiale : Le Lion, succès qui éclipsera parfois le reste de son œuvre. L’Afghanistan enfin, son ultime voyage, lui fournira le cadre de son dernier grand roman : Les Cavaliers.  


Niveau Expert : juif et résistant

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, Kessel croit un temps à un double jeu mené par le maréchal Pétain avant de rapidement déchanter face aux lois antijuives de Vichy. Il rejoint alors un réseau de résistants. Bien qu’écrivain établi, Joseph Kessel n’en demeure pas moins juif. Bientôt menacé, il traverse les Pyrénées pour rejoindre l’Espagne puis le Portugal d’où il s’envole pour Londres.
Là, il rencontre le général De Gaulle, qui l’invite à écrire un roman sur son expérience dans la Résistance. Il écrit alors L’Armée des Ombres, probablement son roman le plus poignant. Dans la foulée, il co-écrit avec son neveu Maurice Druon “le Chant des Partisans”, devenu l’hymne de la Résistance. Marqué par ses années d’antisémitisme, il suivra avec passion la création de l’État d’Israël, dont il sera d’ailleurs le premier étranger à toucher le sol et dont il porte le visa n°1.