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Physiognomonie ou la tête de l’emploi

C’est peu reluisant, mais nous avons déjà TOUS préjugé du caractère d’un individu en observant sa trogne. Comme si des yeux tombants ou une bouche pulpeuse pourraient nous dévoiler les vices de son âme. Un réflexe vieux comme Hérode qu’une armada de scientifiques a cherché à élever au rang de science avec la physiognomonie.

« Quoi ma gueule ? Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ? » aurait, selon Wikipédia, hurlé un Johnny Hallyday excédé à des disciples de la physiognomonie. Apparue dès l’Antiquité, cette pseudo-science prétendait déceler la valeur morale d’une personne dans les traits de son visage. Si déjà, elle regroupait un certain nombre d’adeptes, dont Pythagore ou Hippocrate qui écartaient tous les disciples dont la tête ne leur revenait pas, ce n’est qu’entre la fin XVIIIe et le début du XIXe qu’elle acquiert toute sa renommée.

Rendue célèbre par Johann Kaspar Lavater dans son ouvrage Physiognomonie ou l'art de connaître les hommes, elle connait véritablement son heure de gloire avec Cesare Lombroso qui a fait de celle-ci un outil de lutte contre le crime.

S’opposant aux conceptions sociologiques (cherchant les résultantes d’un comportement dans le milieu de l’individu), d’après le médecin Italien il existerait des criminels nés, facilement reconnaissables à leur physique ingrat. Ainsi des bras excessivement longs, une denture anormale, un front fuyant ou encore des yeux enfoncés seraient les marques d’atavismes communs à tous les psychopathes.

Dès sa parution, cette théorie est vivement critiquée pour son manque d’objectivité scientifique, mais ses préceptes continueront de faire des adeptes jusqu’à la fin du XXe. Anthropologie, psychiatrie, criminologie ne sont que quelques-unes des disciplines qui continueront de s’appuyer sur elle comme facteurs explicatifs au même titre que les pensées eugénistes, racistes et nazies à qui elle servira de terreau.

À la lecture de cet article, vous avez sans doute ricané doucement devant des thèses où l’aspect physique serait un indice de caractère ou de santé mentale. Mais aujourd’hui encore, un beau visage est plus facilement engagé et rapporterait 8% de plus sur une fiche de paie (La société du paraître de Jean-François Amadieu).

Souvenez-vous, il a quelques années, un détenu Jeremy Meeks avait défrayé la chronique, non pour ses faits d’arme mais pour sa… belle gueule. Sorti de prison, c’est tout naturellement qu’il s’est reconverti comme mannequin.

S’il est scientifiquement prouvé qu’il n’existe aucun lien entre la beauté et les qualités intrinsèques d’une personne, cette fausse croyance a encore la dent dure. N’avez-vous jamais présumé du caractère de votre futur partenaire à la vue de ses clichés sur Tinder ?