Et si on arrêtait de tailler les comédies populaires françaises ?
A-t-on encore le droit de se moquer des spectateurs de “Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?” quand près de 12 millions de français ont vu le film au cinéma ? Si le propos du film n’est clairement pas ce qu’il y a de plus fin, difficile de se contenter d’un simple “pfff ce film de beauf”. En d’autres temps, “Les Visiteurs”, “Bienvenue Les Chtis”, “Les Tuche” ou “Taxi” ont tour à tour été dézingués par la critique. Si ces longs-métrage se laissent différemment appréciés, ils semblent plus inoffensifs que déplorables. Alors pourquoi tant de haine ? “Comme dans tout art, il y a une hiérarchie des genres. Au cinéma : la comédie est tout au bas de l’échelle, réputée moins sérieuse. La critique française a toujours eu tendance à avoir un mépris hautain pour le genre”, avance Fabrice Montebello, professeur d’études cinématographiques à l’université de Metz et auteur de Le cinéma en France depuis les années 1930.
Un problème de genre uniquement ? Les thématiques évoquées par ces films, souvent similaires, ne semblent pas cadrer avec ce qu’une partie de la critique attend du cinéma. “On voit dans ces ces comédies "ethniques" l’aspect beauf, chauvin, un peu gras, un peu raciste du français et on pointe les différences, et ça ça fâche parce que ça ne correspond pas au grand rêve républicain d’une France Une et indivisible ”, précise Fabrice Montebello.
David Honnorat
Reste que ce sont ces films qui réalisent le plus grand nombre d’entrées. D’Astérix Mission Cléopâtre aux Bronzés 3 : les 10 plus gros succès français sont des comédies. Et pourtant... “Le Festival de Cannes, la critique, les écoles de cinéma : toutes ces institutions ont toujours fustigé la comédie. C’est le grand drame de la comédie française : elle n’est pas prise au sérieux”, pointe David Honnorat, co-créateur de la chaîne Youtube Rigolo qui s’attache à comprendre les succès des comédies françaises.
Cinéma “sérieux” VS “populaire”
Sous nos abords de révolutionnaires un peu élitistes, ne sommes nous pas tout simplement de grands râleurs un peu réac’, un peu beauf, subtil mélange de De Funès et de Dubosc ? Pas si simple. “Ces films ont toujours la même morale : on a tous des préjugés mais on peut se rassembler au-delà de nos différences. Y’a pas que des chefs d'œuvre là-dedans mais aucun de ces films n’est profondément raciste”, détaille Fabrice Montebello. “Qu’est ce qu’on a fait au Bon Dieu ? mérite d’être regardé sérieusement, ne serait-ce que parce que 12 millions de personnes l’ont vu : ça raconte quelque chose de notre société. Et ça ne veut pas dire pour autant que tous les spectateurs s’identifient à Christian Clavier”, complète David Honnorat.
Est-on pour autant condamné à voir s’opposer cinéma “sérieux” et cinéma “populaire” ? La réception du Grand Bain ou de Alice et le Maire, deux comédies qui ont su concilier accueil critique et succès public laisse penser qu’un changement est en cours. “Reste que ces films sont calibrés “comédies de festival”, ils ne sont pas vraiment de la même catégorie que les Tuche”, nuance David Honnorat.
Le temps est peut-être venu de sortir de cette opposition stérile pour mieux observer la diversité du cinéma français, bien plus riche que ce que l’on croit.
À suivre ...
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