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Satellites : l’embouteillage spatial

Une poignée d’entrepreneurs s’apprête à envoyer en quelques années 10 fois plus de satellites qu’en presque 70 ans de conquête spatiale. Une appropriation de l’espace façon far west, qui fait courir le risque d’une saturation de l’orbite terrestre et des menaces qui vont avec.

Le 1er juillet 2021, Progress 78, un des vaisseaux de l'agence russe spatiale décolle de la base de Baïkonour au Kazakhstan. Le décollage se déroule sans problème et la navette-cargo s'enfonce dans l'atmosphère afin de rejoindre la Station Spatiale Internationale en vue de son ravitaillement. Trois minutes plus tard, les opérateurs russes découvrent avec frayeur la présence d'un satellite Starlink, appartenant à SpaceX, l'entreprise d'Elon Musk, sur le tracé de la navette. Le satellite passe à moins de 500 mètres du vaisseau russe.
C'est la première fois dans l'histoire spatiale qu'un tel événement se produit. La raison ? L'accumulation dans l'orbite terrestre d'une quantité toujours plus importante de satellites.

Congestion spatiale

Jugez-plutôt. Entre 1974 et 2018, 1134 satellites ont été envoyés dans l'espace. À elle-seule, SpaceX en a envoyé près de 1740 depuis... Et c'est loin d'être fini. Dans le cadre de son projet Starlink, l'entreprise spatiale américaine prévoit l'envoi de 41 493 satellites dans les 10 prochaines années ! Et ce n'est pas la seule. OneWeb, une entreprise anglaise prévoit d'en envoyer 648, Amazon prépare le lancement de 3236 satellites dans le cadre de son projet Kuiper et Guo Wang, une entreprise chinoise, prévoit à elle seule d'en lancer 12 992.
En tout, 56 000 lancements sont prévus dans les prochaines années et même 75 000 si d'autres acteurs, encore au stade préparatoire, se lancent dans la course spatiale.


Nous voilà entrés dans l'ère de la "New Space", celle des "mégaconstellations" de satellites. Objectif affiché : connecter le monde entier à un accès Internet haut débit, y compris dans les pays les moins couverts. Voilà pour l'argument philanthropique. En réalité, il s'agit surtout pour des multinationales de développer un nouveau business lié à l'Internet des objets, au déploiement de voitures autonomes ou aux villes "intelligentes". Pour son offre Internet, Starlink prévoit des offres à 99 dollars. Le lancement est prévu d'ici à la fin de l'année. D'ailleurs, vous pouvez déjà vous abonner si vous le souhaitez, sur le principe du premier arrivé-premier servi.

Far-west en orbite

Et dans l'espace, c'est le même principe qui prime. Actuellement, il n'existe aucune règle, aucune loi qui limite le nombre de lancement de satellites ou l'appropriation par une entreprise d'un orbite déterminé. Une loi du plus fort, ou plutôt du plus riche, qui commence à inquiéter les astronomes, qui ne pourront bientôt plus observer le ciel.
Car, qui dit multiplication des satellites dit multiplication des débris spatiaux et les risques de collision qui vont avec. Ceux qui ont vu Gravity le savent bien, en orbite le moindre débris de plus d'1 cm devient une menace mortelle pour les astronautes de la station spatiale internationale. Or, avec une durée de vie moyenne de 5 ans, les satellites ne sont pas les objets les plus robustes du monde. Avec une multiplication par 10 du nombre de satellites d'ici 10 ans, Thomas Pesquet n'a plus qu'à croiser les doigts.